J’ai donc commencé l’année 2018 en fouillant mes souvenirs et en parcourant les textes que j’avais publiés sur mon blogue depuis 2002 afin d’en extraire un fil conducteur et, peut-être, mieux comprendre mon état d’esprit.
Dès le 4 janvier, j’ai écrit:
«J’ai fait au cours des derniers jours un survol des quelque 1700 textes que j’ai publiés sur mon blogue depuis 2002. Ça m’a permis de repérer quelques fils conducteurs — et de mieux comprendre mon exaspération devant l’apparente stagnation du Québec dans au moins trois domaines: l’éducation, l’environnement et les technologies numériques. Un quatrième élément apparaît progressivement comme un autre fil conducteur — d’abord en filigrane puis beaucoup plus clairement, souvent en réaction à l’actualité. Il s’agit des questions liées à l’identité nationale.»
Et sur cette question, j’ai été marqué par un texte de Jean Bédard, dans lequel il affirmait notamment que:
«L’identité d’un peuple n’est pas fondée sur la génétique de la fatalité et de la paranoïa, mais sur une compréhension éclairée des problèmes actuels. (…)
Pour les populations qui fuient la pollution, la misère ou la violence, il ne s’agit pas de choisir un pays qu’ils aiment, mais de sauver leurs vies et celles de leurs familles. Cela veut dire que des cultures se retrouvent maintenant dans l’obligation de vivre avec d’autres sans s’être mutuellement choisies. (…)
Soit qu’on s’attaque aux causes de ces migrations, soit qu’on accepte de partager l’espace et la richesse (…). Mais les causes… Elles sont énormes… Elles remettent en question tout le système économique et la complicité politique qui maintiennent ce système fondé sur le déséquilibre social et la défaillance démocratique.»
C’est dans les quinze jours suivants que j’ai écrit l’essentiel de ce que vous avez lu jusqu’à présent, dressant le constat que mon intérêt pour la politique a été progressivement épuisé au cours des trente dernières années, par des cycles de plus en plus fréquents de courtes phases d’enthousiasme rapidement interrompues par de grandes déceptions ou par des tragédies.
J’ai fait l’hypothèse que je partageais probablement cet épuisement avec pas mal de monde de ma génération — même si nous avions vécu bien différemment les événements que j’évoquais et que nous n’étions probablement pas nombreux à avoir pris le temps de l’analyser autant. C’est aussi ce que suggérait un article de L’actualité presque au même moment.
Mais quoi faire de ce constat?
Sans réponse satisfaisante à cette question, j’ai choisi de laisser décanter tout ça quelques mois en essayant de continuer à écrire comme si de rien était.
Pendant ce temps, j’ai écrit un texte sur la nécessaire adaptation des lois et règlements aux développements du numérique en culture. J’ai appelé à plus d’ambition en éducation. J’ai continué à souhaiter une politique plus positive. J’ai formulé cinq enjeux et scénarios à partir desquels tenter de réfléchir sur les avenirs possibles du Québec. J’ai réfléchi à l’importance de l’authenticité en politique et au fait que je crois que la légitimité d’un message politique sera de plus en plus tributaire de la nature de la démarche qui l’aura précédé. Je n’ai pas baissé les bras.
À l’occasion de la Journée nationale des patriotes, je me suis même interrogé sur ce que ça signifiait d’être patriote en 2018:
«…[je pense que] s’ils nous rendaient visite aujourd’hui, les patriotes nous inviteraient à travailler prioritairement sur notre confiance en nous — parce que l’indépendance politique ne peut pas se faire avec des citoyens fatalistes.
Pour cette raison, il me semble qu’être patriote, en 2018, c’est proposer des solutions concrètes pour:
– aider les gens à gagner plus de confiance en eux (l’éducation, la culture, l’entrepreneuriat, un filet social rassurant, etc.);
– concrétiser les pouvoirs du gouvernement du Québec — c’est-à-dire à démontrer réellement son utilité pour permettre l’épanouissement du peuple québécois;
– démontrer le contrôle réel de la population sur ce gouvernement.»
Un livre a par ailleurs beaucoup marqué ma réflexion au cours de l’été: Destruction de Paul Gouin, de Claude Corbo. Le livre raconte le contexte politique au Québec entre 1933 et 1935. Les similitudes avec la période actuelle sont frappantes — parfois même dérangeantes. Cela m’a beaucoup fait réfléchir à l’équilibre qu’il est indispensable de trouver entre l’idéalisme et le pragmatisme en politique (entre l’approche de Paul Gouin et celle de Duplessis). C’est une lecture qui continue de me hanter.
J’ai eu l’occasion d’y faire référence lors de ma participation à la balado des Engagés publics — une expérience que j’ai adorée.
***
Nous sommes le 11 août.
Il reste 50 jours avant l’élection du 1er octobre. J’ai évidemment une pensée affectueuse pour mes ami.e.s qui se préparent pour la campagne électorale, mais rien ne m’emballe. J’essaie de ne pas trop m’en faire. Je préfère penser à la suite.
J’essaie de me convaincre que c’est un nouveau cycle de l’histoire du Québec qui va commencer le 2 octobre et que c’est dans ce contexte qu’il faut déjà que j’aborde la suite de mes réflexions.
Une question ne quitte plus mon esprit depuis quelques jours:
Quel que soit le résultat le soir de l’élection, on fait quoi, le lendemain matin, pour commencer à transformer cette façon de faire de la politique qui a provoqué tellement de cynisme et de désengagement depuis 30 ans?
J’ai décidé il y a quelques jours que publier ce texte pourrait être le début du commencement d’une réponse à cette question… mais seulement s’il se concluait par une conclusion claire et des pistes d’actions concrètes.
Cher Clément , quelle intense réflexion ! Ton texte respire l’engagement …nous inspire , nous ramène dans le passé et nous conduit à échanger avec toi . Merci d’être toi .
J’adore les hyperliens …
1998 : c’est l’année de notre rencontre : Ana , toi , Béatrice et un chat fou…
Il est sûrement vrai qu’on se plaît dans notre confort , qu’on a peur de prendre des risques non calculés ..mais est-ce par manque de confiance ? Pas obligatoirement. Je suis d’avis que chacun est responsable de son propre bonheur et que bien des gens ont cessé d’attendre après le gouvernement pour réaliser ce qui leur tient à coeur . En espérant que ces minis projets puissent un jour contribuer à une société meilleure. Une société davantage solidaire.
Et je te regarde avec tes publications, les réalisations d’Ana aux musées , tes dîners sandwichs, les jeunes dans mon coin qui ont parti l’épicerie Loco ( bio et sans déchet ) etc…et je me dis si ce ne sont pas des actions qui se répercutent sur les autres c’est quoi alors ?
Et dans combien de pays accueille t-on les migrants aussi bien , dans combien de pays les droits et libertés sont ils aussi bien représentés : liberté de presse , orientation sexuelle etc. Dans combien , avons nous une système d’assurance maladie, chômage etc.
Oui , il y a place à l’amélioration principalement en éducation !!! Mais à mon humble avis , c’est pas juste notre gouvernement qu’il faut influencer sur cet enjeu … c’est la société en général qui doit y contribuer et en faire l’enjeu numéro 1.
Donc , personnellement , je suis désabusée des gens qui critiquent les responsables politiques et qui ne vont pas voter. Et, sûrement comme la majorité des gens , je n’ai pas de grandes attentes envers la politique sauf celle de ne pas régresser en lien avec les valeurs acquises et je consciente que tout gouvernement doit gérer un budget et des priorités . Toutefois, gérer des priorités ne signifie pas faire toujours de la même façon, se remettre en question , et insuffler de nouveaux concepts pourrait être rafraîchissant et alléger les systèmes :0)
Bref, tu influences et tu changes le monde à ta façon par tes mots , tes actions et ton travail et cela au quotidien.
Excellent texte … merci à toi
Julie