Plus convaincu que jamais de l’importance de transformer le Parti Québécois après la défaite électorale, je me suis porté candidat à la présidence régionale du parti, à laquelle j’ai été élu par acclamation.
En parallèle, j’ai poursuivi mon engagement chez De Marque, dont je suis devenu directeur général. J’ai aussi beaucoup réfléchi aux enjeux du soutien de l’État à la culture.
J’ai notamment déploré le fait qu’on ne trouvait à peu près pas de productions québécoises sur Netflix alors qu’on pouvait pourtant y trouver facilement des séries coréennes:
«Il va falloir que la politique s’en mêle. Et, pour ça, qu’on redevienne capable de formuler clairement un projet de société — un projet au cœur duquel notre culture et nos créateurs auront un rôle déterminant à jouer. Il va falloir qu’on retrouve du courage pour poser des gestes forts, audacieux.»
J’ai aussi fait référence à une conférence de Monique Simard, qui était présidente et chef de la direction de la SODEC:
«Parlons-en justement de ces Netflix et Spotify, qui font maintenant bien partie du décor et qu’on ne peut plus mettre de côté. […] Les modèles d’affaires changent, les chaînes de droits se complexifient et les notions de territoires s’estompent. […]
Faire l’autruche serait la pire chose à faire. Prenons cela de front, et vous me permettrez cette vieille expression militante, en solidarité. […] Pour une culture en changement, adoptons une culture du changement!»
Mais, surprise, peu de temps après une troisième controverse (sur les fouilles à nu dans les écoles!), et sachant qu’un remaniement ministériel le priverait de son ministère, Yves Bolduc a annoncé son retrait de la vie politique… et je me suis retrouvé plongé dans une deuxième campagne électorale en deux ans! On allait apprendre quelques mois plus tard qu’il avait touché plus 300 000$ en indemnité de départ, en plus de son double emploi comme député et médecin et des primes pour la prise en charge de nouveaux patients… comme quoi il n’y a rien de trop beau, pour certains! Et, pourtant, les médias ont continué à être complaisants avec lui.
Ça a été une campagne électorale bien différente de la première. Parce que c’était une élection partielle, où les candidats ont évidemment bénéficié de beaucoup plus d’attention médiatique, mais aussi parce qu’elle se déroulait en même temps que la fin de la course à la chefferie du Parti Québécois.
J’ai beaucoup parlé du transport ferroviaire des matières dangereuses dans les quartiers résidentiels de la ville de Québec (avec la tragédie de Mégantic en tête), mais sans que ça soulève beaucoup d’intérêt auprès des médias. Manifestement, comme la fois précédente, de leur point de vue, l’élection était réglée avant même d’avoir commencé. Jean-Talon a toujours été représenté par un député libéral, ça n’allait certainement pas changer cette fois-là non plus… Et vive la démocratie.
Pierre Karl Péladeau est devenu chef du Parti Québécois.
J’ai perdu l’élection dans Jean-Talon.
Celui qui était mon adversaire est devenu ministre de l’Éducation.
Et j’ai rapidement tourné la page, mais pas sans prendre le temps de faire un bilan de cette deuxième expérience, et de répondre aux militants qui auraient souhaité que je parle beaucoup plus, voire uniquement d’indépendance pendant 35 jours:
«On peut bien parler d’indépendance autant qu’on veut, si on veut que le message porte, il faut qu’il soit écouté, entendu, et compris. (…)
Alors oui pour les grands discours, oui pour en parler chaque fois que possible, mais [pour le moment] la priorité, c’est de réancrer [le sens de] notre action dans les milieux que nous voulons convaincre. C’est la condition de notre crédibilité et de notre légitimité (…)»
Fin août, le président de la commission politique du Parti Libéral a affirmé de façon pontifiante qu’il était urgent que toutes les régions du Québec aient accès à Internet haute vitesse. C’en était trop pour moi:
«[les différents gouvernements ont] promis la même chose en 1995, en 2002, en 2008, en 2009 et probablement aussi en 2012 et en 2014!
Il y a quelque chose qui ne va pas au Québec dans notre rapport aux changements technologiques. On n’est pas sérieux. Et je n’ose même pas faire des recherches reliées à tout ce qui s’est dit sur les plans et les virages numériques…
Eille! ça fait vingt ans qu’on fait des comités, des rapports et des promesses! Quand est-ce qu’on s’y met vraiment?»
L’annonce par le premier ministre, quelques mois plus tard, d’une consultation pour définir une feuille de route gouvernementale en économie numérique, reçue très froidement par le milieu, n’a rien fait pour améliorer mon état d’esprit.
À ça s’est ajoutée une très longue campagne électorale fédérale, dont le Bloc Québécois est encore une fois sorti mal en point, et qui a fait de Justin Trudeau le premier ministre du Canada.
Et comme si ce n’était pas assez, les terribles attentats de Paris, au Bataclan et ailleurs, ont touché de très près de nombreux amis français. Ça a été un moment très difficile:
«Je vais probablement fermer les réseaux sociaux pour quelques heures. Overdose d’instantanéité.
Trop convaincu que cela fait partie du plan des barbares de nous synchroniser, tous, par la peur, à partir des mêmes images, des mêmes témoignages, vus, entendus, encore et encore, qui deviendront des codes à partir desquels nous réagirons à l’unisson. Je refuse d’être ainsi reprogrammé.
Grand besoin de me déconnecter un peu de la matrice — pour donner sa chance à l’humanisme.»
En décembre, usé par trois années complètement folles, j’ai décidé de quitter De Marque pour redevenir travailleur autonome:
«Je ne sais pas encore de quoi sera faite la suite de mon parcours professionnel. Les prochaines étapes restent à inventer et j’ai le regard large. C’est un vertige que j’aborde avec confiance. Je l’ai choisi.»
Et au moment de faire le bilan de cette étape de ma vie, j’ai choisi de me faire tatouer le loup de La Fontaine (tiré de Le loup et le chien), tel qu’illustré par Grandville, sur un biceps. Un geste de liberté.